La traversée de l’Atlantique

Le 20/12/15

Nous sommes deux familles à bord de Vaga pour effectuer la traversée de l’Atlantique. Aux dires des marins, la moyenne est de 15 jours de navigation. J’espère franchement qu’on sera dans cette moyenne. Je sais d’avance que 15 jours en mer, totalement isolés du monde, risquent de nous paraitre un peu long surtout si les conditions de navigation sont mauvaises. Je prie pour que les dieux de la mer et du vent soient avec nous !

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Jour 1 (Vendredi 4 décembre 2015) : Départ à 11h30 de Mindelo. La mer est calme et le ciel est un peu voilé. Dommage, on n’aperçoit à peine l’île de Santo Antao, le dernier bout de terre qu’on verra avant 15 jours. Des dauphins nous disent au revoir. La grande voile est hissée. Nous avons un bon vent de 20/25 nœuds. Ca y est, c’est parti pour la transat ! La houle commence à se former en début d’après-midi. J’ai la bonne idée d’initier les enfants à la confection de bracelets brésiliens. J’ai la nausée et eux aussi ! Nath prend un cachet contre le mal de mer mais un peu trop tard. Elle va se coucher. Les enfants sont à plat. Pierre gère. Il se concentre sur la navigation. Il a bien raison. Le capitaine est au top. Nous avons des tonnes de bonnes choses à manger dans les placards mais pour le repas du soir, nous n’avons envie que de riz. Nath est restée couchée dans sa cabine. On la laisse tranquille pour cette nuit. On fera les quarts de nuit à trois.

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Jour 2 (Samedi 5 décembre 2015) : La mer est toujours houleuse. Le vent faiblit à 18 nœuds. Le ciel est encore voilé. Pas de quoi se mettre en maillot de bain et se faire bronzer. Nath va mieux. Dans l’après-midi, on pêche 2 belles dorades (2kg et 2,5 kg). Génial, nous mangerons du poisson frais ce soir. Laurent, maintenant expérimenté dans la préparation du poisson, lève de beaux filets. Je les fais mariner dans l’huile d’olive et la coriandre. Je poursuis mon cours sur les bracelets brésiliens. Ça va, la houle est moins forte. Nous faisons tous la sieste à tour de rôle. Je n’ai toujours pas fait école aux enfants. Bizarre, ils ne réclament pas ! La journée passe vite. A la nuit tombée, le capitaine met les moteurs pour recharger les batteries mais surtout parce qu’il n’y a plus de vent (5/6 nœuds). Ce soir, nous sommes 4 pour faire les quarts. Nous avons décidé de faire 3H chacun et nous avons établi un roulement sur 4 jours :

N1 N2 N3 N4
22H- Virginie Nath Laurent Pierre
1H-4H Laurent Pierre Virginie Nath
4H-7H Pierre Virginie Nath Laurent
7H-10H Nath Laurent Pierre Virginie

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J3 (Dimanche 6 décembre 2015) : Toujours pas de vent au petit matin (4/5 nœuds). On garde les moteurs. La voile est affalée. Elle ne sert plus à rien. Le capitaine déprime, il décide de sortir le gennaker (grande voile d’avant genre spi). Avec les moteurs en plus, nous prenons un petit peu de vitesse. Le soleil est au rendez-vous. Il fait chaud. Nous profitons du cockpit. Il y a moins de houle, je fais 2H d’école aux enfants. Je ne peux pas faire plus car ça me rend malade. Nath commence à s’habituer bien qu’elle dorme encore beaucoup. En fin d’après-midi, en prévision de la nuit, le capitaine plie le gennaker et sort le génois. Toujours pas assez de vent pour hisser la grande voile. Nous garderons les moteurs toute la nuit.

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J4 (Lundi 7 décembre 2015) : La nuit a été très calme. Nous avons toujours très peu de vent. Enfin, dans la matinée, le vent monte à 14/15 nœuds. Le capitaine est content de couper les moteurs, de hisser le grande voile et de ressortir le gennaker. Nous avançons en moyenne à 6 nœuds. C’est correct. Il fait très beau. Nous sortons les maillots de bain. Nath commence a vraiment s’habituer. Elle dort un peu moins. Elle a même fait, ce matin, le ménage du bateau pendant que je dormais. Je poursuis l’école. Le grand Thomas a lui aussi beaucoup de devoirs donnés par ses professeurs. Ça motive un peu mes enfants. La journée passe encore relativement vite. J’ai pas mal cuisiné. C’est important en navigation de bien manger. Ça fait du bien au moral et moi ça m’occupe ! C’est le premier soir qu’on prend l’apéro. Ca y est tout le monde est amariné. Laurent a pris la météo par l’iridium : le vent devrait se stabiliser à 12/15 nœuds pendant les 2 prochains jours puis il devrait forcir. Tant mieux !

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Jour 5 (mardi 8 décembre 2015) : La nuit fut agitée. Pendant que je dormais comme un bébé (mon quart ne commençait qu’à 7H00), Pierre, Laurent et Nath se battaient avec un vent totalement instable. De 9 nœuds, il pouvait passer subitement à 25 nœuds. A mon réveil, tout était redevenu normal. Le vent s’est stabilisé à 15/20 nœuds. Il a un peu plu dans la matinée mais l’après-midi est ensoleillé. Nath et Pierre commencent à prendre des couleurs ! Nous avons encore pêché une dorade de 3,5 kg et de 86 cm. Une belle bête ! Cette fois-ci, je la cuisine au curry. Nous avons eu une seconde touche en fin d’après-midi mais le fil s’est cassé à deux doigts de ramener le poisson dans la jupe. C’est Pierre qui tenait la canne. Il était déçu. C’était encore une dorade ! Je n’ai pas pu faire école aux enfants à cause de la forte houle. Heureusement, avec le grand Thomas, ils s’occupent bien. Ils sont supers sympas : Ne se disputent presque pas, ne trouvent pas le temps long, regardent des films, jouent aux cartes et aux jeux de société et dorment beaucoup. Aujourd’hui, le capitaine a fait le point sur notre avancée. Depuis notre départ, nous avons parcouru 593 miles sur 2100 miles soit 30%. C’est encourageant !

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Jour 6 (mercredi 9 décembre 2015) : La nuit fut calme. Le vent s’est stabilisé à 15/20 nœuds mais la houle reste importante. Ce matin, Je me suis réveillée patraque. De gros ganglions dans le cou, du mal à déglutir et des points blancs au fond de la gorge. Diagnostic facile : J’ai une belle angine blanche ! Heureusement, j’ai tout ce qu’il faut dans ma pharmacie (merci Thierry !). J’ai pris de suite un antibiotique et un anti-inflammatoire. J’ai dormi pratiquement toute la journée. Ça ira mieux demain. Pendant que je me reposais, Laurent a encore pêché une dorade. Cette fois-ci on va la congeler car on commence un peu à se lasser d’en manger tous les soirs. J’essaie pourtant de varier : dorade nature poêlée à l’huile d’olive, dorade au curry, tajine de dorade…Le vent a un peu forci dans l’après-midi (20/25 nœuds). C’est bien, nous prenons de la vitesse.

Jour 7 (jeudi 10 décembre) : La nuit fut calme. Le vent est toujours stabilisé à 15/20 nœuds. Pas de maillot de bain aujourd’hui, il pleut ! Je joue un peu avec les enfants aux jeux de société. Nath bouquine et Pierre fait une bonne sieste. Laurent étudie ses cartes et la prochaine météo. La journée parait plus longue que d’habitude. 4 dauphins sont venus nous dire bonjour mais n’étaient pas d’humeur à jouer autour du bateau. Dommage, ça nous aurait occupé. On commence à compter les jours restants : Encore une bonne semaine de navigation si le vent se maintient. Je vais mieux, l’antibiotique fonctionne. J’ai pu récupérer cette nuit car mon mari m’a laissé son quart de 7H.

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Jour 8 (vendredi 11 décembre) : La nuit fut un peu agitée. Tout allait bien jusqu’à mon quart de 2H. On est rentré dans une dépression : de la pluie avec de fortes rafales de vent (35 nœuds). J’ai assez vite donné l’alerte au capitaine. Nous avons dû réduire le génois, manœuvre facile en soi mais vite compliquée en pleine nuit. Au matin, le vent s’est rétabli à 15/20 nœuds. Malgré la rincée de cette nuit, la journée est très ensoleillée. Surprise du jour, nous apercevons un voilier. C’est dingue quand même de croiser un bateau au beau milieu de l’Atlantique ! Nous avons réussi à les joindre par VHF. Une famille française !. Ils font route vers Sainte Lucie. Nous n’avons même pas pêché aujourd’hui. Trop peur d’attraper encore une dorade ! Ca y est, nous avons fait la moitié du chemin. Ce qui veut dire que nous n’avons pas pris de retard mais nous ne sommes pas non plus en avance ! On va quand même fêter ça ce soir. Pierre va nous cuisiner les diots qu’il a ramenés dans sa valise de Haute-Savoie. Dommage, je n’ai pas trouvé de Crozets au Cap Vert.

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Jour 9 (samedi 12 décembre) : Avec un vent toujours établi à 15/20 nœuds, la nuit fut très tranquille. Il commence à faire très chaud et humide. On sent qu’on approche des Tropiques ! Ces derniers jours, j’ai fait régulièrement école aux enfants. Je leur ai promis des vacances en arrivant. Le dernier bulletin météo n’est pas bon. Le vent devrait faiblir à 5/10 nœuds dès cette nuit et ce jusqu’à jeudi. Cette annonce m’a un peu déprimé. Je m’étais mis en tête, vu notre avancée de ces derniers jours, que nous arriverions vendredi prochain. Ce ne sera pas le cas. Au mieux, nous apercevrons la terre seulement dimanche soit encore une bonne semaine de navigation. J’ai l’impression d’être la seule déprimée. Le reste de l’équipage prend cette nouvelle avec plus de philosophie que moi. Nous venons de décider, afin de réduire un petit peu la distance, de changer de destination. Nous devions arriver en Martinique, nous irons à la Barbade. Nous pensons y rester une semaine puis nous rejoindrons la Martinique (105 miles) pour la dernière semaine de vacances de Pierre et Nath et d’où ils prendront l’avion. Pour finir, ce changement de programme fort sympathique me remonte le moral : la Barbade à Noël et le jour de l’an en Martinique. Classe !

Jour 10 (dimanche 13 décembre) : Comme prévu, dès cette nuit, le vent a faibli. Nous n’avançons plus. Certes, la vie à bord est plus confortable mais je peste intérieurement de cette perte de temps. Le capitaine a hissé le genneker. La grande voile ne sert à rien. Notre vitesse est de 3/4 nœuds. C’est déprimant ! Pour cette nuit, on met les moteurs. C’est bruyant mais nous gagnons un peu de vitesse.

Jour 11 (lundi 14 décembre) : Nous avons gardé les moteurs toute la nuit. En matinée, le vent nous fait la bonne surprise de se lever un petit peu. Suffisamment en tous cas pour hisser la grande voile et le génois. Nous profitons de cette courte fenêtre quelques heures avant de retomber dans la pétole. Notre vitesse est en moyenne de 4/5 nœuds. C’est mieux que hier. Pour s’amuser, Laurent pêche à la traine. A peine le leurre dans l’eau, un poisson mord. Pas de bol, c’est une dorade ! Cette fois-ci, Je vais la cuisiner à la provençale. Notre problème du jour est notre consommation d’eau. Nous sommes partis avec 600L. Il ne reste plus que 130L dans la cuve. Le calcul est vite fait : dans 3 jours la cuve sera vide. Nous avons pourtant été très précautionneux. Nous nous autorisons 1 douche par jour et par adulte et 1 douche tous les 2/3 jours par enfant. Et encore quand je dis « douche », c’est un bien grand mot ! Le terme « rinçage » est plus adapté. Bien sur le lavage de cheveux est exclu. Nous pourrions faire fonctionner le dessal mais pour cela, il faut utiliser le générateur qui pompe notre gasoil. Et notre gasoil est précieux pour avancer quand il n’y a pas de vent comme en ce moment et peut-être ces prochains jours. Nous allons donc patienter encore 2 ou 3 jours et voir comment évolue la météo. Il fait de plus en plus chaud. Comme le bateau est au ralenti, les enfants se baignent en s’accrochant à l’échelle. Pour le goûter, Nath nous gâte, elle nous prépare des crêpes malgré les 40 degrés à l’intérieur du bateau. Nous jouons au trivial poursuit et faisons 3 équipes (les blondes, les enfants et les papas). Bien sur les blondes remportent la victoire. Demain nous remettrons notre titre de championne en jeu !

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Jour 13 (mercredi 16 décembre) : Alléluia ! Vers 2H du matin, nous avons 20 nœuds de vent ! Laurent se dépêche de hisser la grande voile. Enfin ! Notre vitesse est de 6 nœuds. Ça ne dure pas. Lors de mon quart de 7h, je n’ai plus que 10/12 nœuds. Le vent faiblit encore dans la journée. On ne laisse que le genneker. Il fait très beau. C’est agréable mais je sens une certaine lassitude de la part de l’équipage. Vient en plus se poser le problème de l’eau. Il nous reste 30L. La météo étant incertaine pour ces prochains jours, il ne serait pas prudent de mettre en route le dessal et d’utiliser le gasoil.

Jour 14 (jeudi 17 décembre) : La météo ne s’était pas trompée. Le vent est bien revenu cette nuit. Depuis 4h du matin, nous avons 20 nœuds. Notre vitesse est de 6/7 nœuds. Pourvu que ça dure même si nous perdons en confort à cause de la houle. L’équipage se remotive. Nous commençons à voir le bout de cette aventure. Plus que quelques jours de navigation ! Je nous imagine déjà sirotant un petit rhum les pieds dans le sable. On l’aura bien mérité !

Jour 15 (vendredi 18 décembre) : Le dieu du vent, Eole, est avec nous. Nous avons toujours un super vent à 25 nœuds. Nous avançons rapidement malgré la forte houle. Nous battons notre record de vitesse en parcourant en 24H 194 miles. Il nous reste encore 200 miles à parcourir avant d’atteindre la Barbade. Nous nous rapprochons. Si la météo ne change pas, nous devrions arriver dimanche matin. Laurent met enfin en marche le dessal. Pas le choix, la cuve est vide depuis ce matin. Ces derniers jours sont difficiles moralement. Tout le monde a vraiment hâte d’arriver. Même les enfants commencent à demander « c’est quand qu’on arrive ? » alors qu’ils ont été jusqu’ici très patients.

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Jour 16 (samedi 19 décembre) : Nous voulions du vent et bien nous sommes servis avec en prime des vagues de 5 mètres. Impossible de faire un mouvement dans le bateau sans se cogner. Nous sommes couverts de bleus. Aucune activité possible. De toute façon depuis 2/3 jours, nous nous occupons à dormir. Pour dire, rien qu’aujourd’hui j’ai fait une sieste de 2H ce matin et de 2H cet après-midi. Nous avons, du coup, les yeux gonflés et peu d’entrain. Il n’y a que Laurent qui reste bien éveillé. Il est dans son élément. En alerte constante face aux conditions difficiles de navigation. L’arrivée approche. Elle est prévue pour demain matin. Laurent tente de réduire notre vitesse afin d’éviter d’arriver de nuit. C’est bien trop dangereux quand on ne connait pas la baie. Demain à cette heure-ci, je serai certainement en train de savourer un mojito les deux pieds sur terre et face à la mer ! J’en rêve !

Conclusion

Nous avons traversé l’Atlantique en 16 jours. Ce n’est pas un record mais une bonne moyenne. Cette aventure restera pour chacun de nous une expérience unique dans notre vie. Nous en garderons un sacré souvenir même si certains jours nous n’avions qu’une envie : que ça s’arrête ! Les conditions de navigation dans l’ensemble ont été satisfaisantes malgré un manque de vent au cours de la seconde semaine. L’entente entre les deux couples a été bonne bien que le manque d’eau, l’isolement et la routine des activités ont contribué à une baisse de régime et de moral les 5 derniers jours. Les enfants nous ont stupéfaits par leur patience, leur entrain (merci les DS et l’IPAD !) et leur courage pour faire les devoirs. En cours de route, nous avons modifié notre destination pour faire une escale à la Barbade. Ce nouveau programme, en raccourcissant le trajet, nous permettra de découvrir ensemble cette île et de préparer tranquillement Noël. Nous passerons le jour de l’An comme prévu en Martinique.